Ferrari 812 Superfast : braquage à l'Italienne !

ESSAI. Laurent Chevalier, rédacteur en chef adjoint à la rédaction de Sport Auto, vous propose l'essai de la 812 Superfast, fleuron de la gamme Ferrari.
Le V12 Ferrari est une institution, d'où les crispations à
chaque évolution. Mais pas besoin de changer de République,
puisqu'on reste en atmosphérique. Une louche de cylindrée, un
(gros) coup de pression sur l'injection, et le tour est joué : 800
chevaux pour calmer les « Porschistes » et une direction à
assistance électrique, qui communique par télépathie avec les roues
arrière directrices, pour filer droit.
Et surtout, en coulisse, le travail acharné d'une armée
d'ingénieurs qui s'arrachent les cheveux pour concevoir « la
Ferrari à moteur V12 avant la plus performante et la plus fun à
conduire de tous les temps ». Quoi ? Plus fun à conduire
qu'une F12tdf ? Je demande à voir.
Allumage
Le V12 miaule, chante, hurle, s'approche du rupteur, puis
reprend son souffle et poursuit sa complainte avec la régularité
d'une horloge atomique. Allumage Passons sur la performance
technique que représentent les 350 bars de pression d'injection et
les trois quarts de nouvelles pièces mécaniques par rapport au
précédent 6.3 litres de la Berlinetta. La question, c'est plutôt :
800 chevaux, dans la vraie vie, ça donne quoi ? Des frissons au
démarrage, déjà. La mise à feu et son écho dans les pots ont beau
être moins démonstratifs que ceux de la tdf, ça reste un grand
moment.
Pas du genre criard comme une Jaguar, mais sourd, rond et
rauque. Un ralenti dont la moindre variation de régime laisse
entrevoir une prédisposition à prendre des tours.
En laissant patiemment monter la température de l'huile, on
découvre une souplesse inattendue. Encore plus surprenante depuis
qu'on nous rebat les oreilles avec les turbos à toutes les sauces.
Dans la circulation, le V12 Ferrari coupe l'herbe sous le pied des
Bentley Continental Supersports et Aston Martin DB11 GT. Le 6,5
litres fait le grand écart entre la souplesse d'une auto classique
et la légèreté d'un moteur de course. Avec infiniment moins
d'inertie, par exemple, que le V12 de l'Aventador S.
Alors on cherche la faille, en appuyant progressivement sur
l'accélérateur. A mesure que grimpe l'aiguille du compte-tours, la
poussée déjà vigoureuse devient écrasante. Au point de devoir
trouver une ligne droite assez longue pour évaluer son allonge.
Pendant ce temps, Yann, notre photographe, écarquille les yeux : «
C'est absolument magnifique à l'intérieur, c'est super bien fini. »
Nous y reviendrons. Pour le moment, le jeu consiste à sortir de
l'agglomération de Modène pour trouver une superligne droite
permettant à la Superfast de détendre ses superbielles.
Au passage, les premiers virages rassurent en termes de toucher de
route. La légèreté de la direction à assistance électrique rappelle
celle des F12 Berlinetta, 599 GTB et 575 Maranello, et le feeling
n'est pas aussi artificiel qu'on pouvait le craindre. Bref, le
ressenti est comparable, à peu de chose près, à celui d'une
direction hydraulique classique.
La Superfast est moins sous-vireuse que la F12 Berlinetta qu'elle remplace. Elle prend moins de roulis, et ses roues arrière directrices font grimper l'agilité. Dans la circulation, la 812 s'avère d'une facilité déconcertante et se révèle infiniment plus maniable que la FF. Les grains de sable dans cet univers quasi parfait concernent, toujours et encore, les clignotants qui tournent avec le volant, et les bandes de cuir jaune optionnelles sur le tableau de bord de notre modèle d'essai, qui se reflètent dans le pare-brise en plein soleil. En revanche, le nouvel écran tactile devant le siège passager, qui permet notamment de visualiser les réglages de l'auto, est validé par l'ami Yann, toujours émerveillé : « Fallait y penser, c'est génial ce truc ! ».
"Des performances un poil décalées dans la circulation de tous les jours"
Quant au confort de roulage, il est tout à fait acceptable pour
une auto de cette trempe. Au regard de la F12 Berlinetta, la 812
donne le sentiment de mieux dribbler sur les hautes fréquences. Le
travail des combinés ressorts - plus - rigides/amortisseurs -
mieux- pilotés porte ses fruits. Des bosses, toujours des bosses,
mais toujours pas de ligne droite en vue. A défaut, une série de
camions à doubler donne l'occasion au V12 de s'éclaircir la voix.
Inutile de rétrograder, il suffit de mettre le clignotant à gauche
et d'appuyer gentiment sur l'accélérateur pour voir la Superfast
changer de visage. La voie est libre, j'en profite pour tirer deux
fois sur la palette de gauche. En deux « vraaps » éclair,
l'aiguille du compte-tours est catapultée vers la zone rouge, et la
812 explose véritablement. 6 000, 7 000, 8 000, et ça n'en finit
pas, comme si le volant tirait sur les bras. Le V12 miaule, chante,
hurle, s'approche du limiteur, reprend son souffle et poursuit sa
complainte avec la régularité d'une horloge atomique. Autant la
différence avec l'ancien V12 n'est pas évidente à bas régime,
autant elle devient claire après 5 500 tours. Et il reste 3 400
tours de bonheur avant le rupteur ! En clair, même si ce moteur a
une cylindrée de locomotive, il aime être cravaché. On ne va pas se
faire prier, à condition de trouver une ligne droite adaptée.
Car il faut reconnaître que les performances de la 812 sont un poil
décalées dans la circulation de tous les jours. Le 0 à 100 km/h
revendiqué en 2''9 est identique à celui des meilleures quatre
roues motrices, comme la 911 Turbo S Exclusive Series (607 ch) ou
l'Aventador S (740 ch). Quant au 0 à 200 km/h, il laisse la Porsche
et la Lamborghini sur le carreau, avec 7''9 annoncés, contre
respectivement 9''6 et 8''8. Autant dire qu'il faut de l'artillerie
lourde, comme la Bugatti Veyron première du nom, ou beaucoup plus
légère, comme la McLaren 720S, pour suivre la cadence. A ce propos,
Maranello évoque un statu quo sur la balance par rapport à la F12
Berlinetta, avec 1 630 kg tous pleins faits. Ce n'est pas rien,
mais c'est plus léger que la concurrence au sens large, depuis
l'Aston Martin Vanquish (1 739 kg revendiqués) jusqu'à la Bentley
Continental Supersport (2 280 kg avoués), en passant par la
Lamborghini Aventador S (1 675 kg annoncés). Enfin, sur le papier,
car au volant, la différence avec ces autos est encore plus
marquée.
L'art de pivoter
Faute de pouvoir trouver un terrain de jeu adapté à ses capacités
sur routes ouvertes, demi-tour et direction Fiorano. C'est le
célèbre circuit maison, dont le règlement intérieur oblige
désormais à ne pas dépasser les 50 km/h pendant les prises de vue
en travelling et à lever le pied en début de ligne droite, pendant
100 m, pour limiter le bruit. Tout fout l'camp ! Cela dit, il reste
les huit beaux virages sur les 3 km que compte la piste pour tenter
de cerner les limites de la 812 Superfast. A commencer par les
capacités du freinage céramique en bout de ligne droite. Pour
mémoire, il s'agit du système utilisé sur LaFerrari avec ses
galettes de 40 cm à l'avant et ses pinces-monseigneur à 6 pistons.
Malgré les 35 °C à l'ombre et les tours de grand-huit répétés,
c'est-à-dire des séries de trois tours rapides espacées d'un tour
de refroidissement, la Superfast réitère ses décélérations sans
broncher. Sur le mode Race, ça se précise.
La Superfast optimise ses réglages, depuis la suspension
jusqu'au différentiel, en passant par la boîte, le moteur,
l'antipatinage, les contrôles de trajectoire et, désormais,
l'assistance électrique de direction, ainsi que les roues arrière
directrices. Rassurez-vous, cette usine à gaz reste instinctive au
volant. Le coup de pouce des roues arrière directrices est aussi
imperceptible qu'efficace.
Et la Superfast donne l'impression d'avoir beaucoup plus de grip à
l'avant, en comparaison de la F12 Berlinetta. Moins sous-vireuse
donc, et mieux maintenue en roulis. Les mouvements de caisse sont
mieux verrouillés que ceux de la F12 et a fortiori ceux de la 599
GTB.
Je ne parle pas de la 575 Maranello, sans le kit Fiorano, et de
ses ballants de péniche en pleine tempête. La 812 gagne aussi en
stabilité par rapport à la F12tdf, sans être aussi fun à conduire.
Tout cela pour dire que la Superfast se montre nettement plus agile
que la Berlinetta. Le cahier des charges qui consistait à «
donner l'impression de conduire une voiture plus petite et plus
courte qu'elle ne l'est en réalité » est respecté. Reste à savoir
si elle survire dans les virages serrés. Pas tant que ça, au regard
de l'avalanche de couple qui s'abat sur les deux arbres de
transmission. Avec un minimum de bon sens à la remise des gaz, la
Superfast n'est pas piégeuse. Notons que Ferrari garde la
possibilité de couper toutes les aides électroniques à la conduite.
Mais ces dernières sont tellement discrètes et efficaces que
l'usage de la position Cut-Off reste anecdotique. D'autant qu'il
vaut mieux avoir des talents d'acrobate pour ne pas se laisser
submerger par la vague de puissance. C'est là qu'interviennent la
direction intelligente EPS et sa fonction Peak Performance
Advisor. L'idée consiste à envoyer un signal au conducteur à
travers le volant.
Comme l'explique Michael Leiters, patron de la technique de Ferrari
: « En sortie de virage, si la voiture est proche du survirage,
vous ressentez une légère force qui vous suggère de débraquer, pour
vous permettre de réaccélérer au maximum. Même chose quand vous
entrez dans un virage à la limite de l'adhérence, vous sentez
quelque chose de léger dans la direction, une force naturelle et
intuitive qui vous invite à débraquer. » Mais je vais être honnête,
j'ai beau avoir essayé en long, en large et en travers, je ne peux
pas dire que cela soit d'une aide capitale sur notre voiture
d'essai. Et alors ?C'est tant mieux, puisque j'avais peur que cela
se fasse au détriment de l'authenticité des sensations de conduite.
En résumé, le ciel est toujours sans nuages au sommet du grand
tourisme.
L'avis de Sport Auto
Avec des mouvements de caisse mieux régulés que ceux de la F12
Berlinetta et une agilité infiniment supérieure grâce aux roues
arrière directrices, la 812 Superfast progresse sur tous les
tableaux. La direction à assistance électrique préserve le toucher
de route, et le moteur est plus explosif à haut régime. En clair,
et malgré la débauche technologique, les sensations sont là.
Fiche technique de la Ferrari 812 Superfast
Moteur : V12
Cylindrée : 6 496 cm3
Puissance maxi : 800 ch à 8 500 tr/mn
Couple maxi : 73,2 mkg à 7 000 tr/mn
Régime moteur maxi : 8 900 tr/mn
Transmission : Boîte de vitesses 7 rapports F1 DCT/E-Diff3
Freins AV/AR : carbone céramique 398 x 38/360 x 32 mm
Poids : 1 630 kg Capacité du réservoir : 92 l
L - l - h : 4 657 - 1 971 - 1 276 mm Empattement : 2 720 mm
Voie AV/AR : 1 672/1 645 mm
Pneus AV/AR : 275/35 ZR 20 & 315/35 ZR 20
Prix de base/modèle essayé : 287 424 €/388 544 €
PERFORMANCES ANNONCÉES
V. max : 340 km/h
0 - 100 km/h : 2''9 0 - 200 km/h : 7''9


